« Notre livre possède deux visages. Le premier est blanc, silencieux, scellé dans la cire. Le second, une fois exhumé, se fait volubile
et changeant. Il est une réponse à la frustration du beau livre,
celui qu’on manipule avec retenue, celui dont la lecture se veut sage
et contenue. C’est un livre à vivre, qui nécessite une lecture active, tactile, intense. Il éveille notre curiosité, excite notre impatience, demande à être malmené pour se livrer à nous. Gratté, déchiré, disloqué, son contenu en puissance se révèle sous la contrainte.
Pensé autour d’une unique photographie de famille, notre livre dissémine des indices au gré des pages, sans jamais tout révéler. S’instaure ainsi un dialogue intime et singulier avec le lecteur.
Sa lecture se mue en performance, en parcours du souvenir,
en une expérience unique dont les plaies sont le témoin.
Ponctué d’extraits de La pensée sauvage de Claude Lévi-Strauss,
des réflexions anthropologiques accompagnent nos gestes.
Enfin éprouvé, il interroge alors les limites du livre comme objet d’exposition, et questionne le rapport que nous entretenons avec
nos archives. Parallèlement, une pensée de Claude Lévi-Strauss
vient relativiser la violence symbolique de l’expérience :
« après tout, ce ne sont que des morceaux de papier. »
Damien Tenenbaum